photo: S. Ouradou

dimanche 1 avril 2012

Mon intervention sur la culture lors du vote du budget 2012 du Conseil général


Lors de la séance, je suis intervenue au nom du groupe pour contester les choix faits par Claude Bartolone et son groupe sur le budget de la culture. Entre le moratoire de 3 ans sur les aides aux villes en terme d'investissements culturels et les baisses de subventions pour de trop nombreuses associations, c'est la richesse de notre tissu culturel qui est affaiblie. Voici mon intervention.

M. le Président, cher-e-s collègues, mesdames, messieurs,

Je souhaite intervenir pour faire part de notre très grande préoccupation concernant un secteur sensible, celui de la culture.

La culture est un élément essentiel de la vie, c’est elle qui construit le monde, lui donne un sens, réunit et rassemble. Elle est au cœur de l’émancipation humaine, de la démocratie. Elle donne donc sens à notre action publique et ne peut être un supplément d’âme, que l’on sacrifierait les premières difficultés venues.

Notre département est riche de sa jeunesse, de sa diversité, de son histoire, de ses souffrances, de ses révoltes, de ses réussites. Plus encore ici qu’ailleurs, la culture aide à ce que l’héritage ne soit pas subi mais au contraire devienne une force pour nous et nous serve à construire une culture commune.

La culture, c’est donc autant l’art, la création que la dimension quotidienne de compréhension et de maîtrise du monde. C’est la raison pour laquelle la place de l’artiste et du créateur est aussi fondamentale.

C’est ce qu’ont toujours compris les collectivités territoriales, qui en dehors de toute question de compétence générale, ont porté le financement de la culture comme élément constitutif de leurs politiques.

Ici, en Seine-Saint-Denis, depuis des décennies, c’est cette idée centrale de l’émancipation humaine qui a toujours porté les élus du département à soutenir une politique culturelle ambitieuse.

Celle qui fait encore aujourd’hui de la Seine-Saint-Denis un carrefour culturel reconnu et essentiel en France. Celle qui permet de toujours lier la proximité avec les artistes et l’accès du plus grand nombre aux biens culturels, de lier ce territoire et la création artistique.

Des structures telles que les Centres dramatiques nationaux, les festivals , le nombre infini d’artistes en Seine-Saint-Denis inventent d’autres choses que la « culture pour chacun » porté par N. Sarkozy où la créativité laisse place à la consommation de produits rentables et standardisés.
Les origines culturelles et sociales des habitants de notre département sont aussi le levain de cette créativité et ici la création et la pensée ont à voir avec le mélange, le partage, l’espoir derrière des vies chaotiques, ont à voir avec la combativité et l’idée d’une culture pour tous de haut niveau.

Les réformes successives du gouvernement Sarkozy restreignent considérablement les finances des collectivités locales et particulièrement celles de notre département.

Elles remettent lourdement en cause la clause de compétence générale, permettant à chaque collectivité de porter haut et fort ses choix politiques.


Mais la culture ne peut et ne doit être sacrifiée, tout doit être fait pour préserver ses financements, peut-être encore plus aujourd’hui alors que la crise et les politiques libérales alimentent le repli sur soi, le renfermement.


Aujourd’hui nous ne comprenons pas un budget départemental dont les choix pour la culture pénalisent durement les acteurs et la population de Seine-Saint-Denis. La droite réactionnaire au pouvoir n’a que faire de la culture qui ne soit pas simple marchandise. Nous devons lui renvoyer nos ambitions d’une culture qui donne accès à la compréhension du monde pour l’interpréter et le changer.


Vous-même Monsieur le Président dans le magazine Culture N°8 vous vous opposiez à un renoncement qui ne serait pas le nôtre et qui risque pourtant de nous être imposé et être brutal, destructeur et injuste. Vous en appeliez à une sanctuarisation des subventions aux acteurs culturels.

Après les coupes de 2010, auxquelles nous nous étions opposées, notamment celle symbolique à Livre au Trésor qui a dû cesser ses activités, nous vous avions suivi sur cette sanctuarisation.

De même c’est vous-même qui en décembre 2009 avez lancé « l’appel pour la Culture en danger » en SSD soutenu par de très nombreux signataires venant du monde culturel. Là encore vous nous aviez trouvé à vos côtés.

Aujourd’hui ces mêmes signataires comme mes collègues et moi-même sommes très inquiets.


En effet, vous avez décidé, M. le Président, d’un moratoire sur les investissements culturels pendant trois ans. Ce moratoire va avoir des conséquences dramatiques pour tous les acteurs concernés et des répercutions inouïes sur l’ensemble des Séquanodionysiens.

Est-ce à dire qu’une victoire de la gauche dans quelques semaines, que nous appelons de nos vœux, ne changerait rien ou en tout cas pas grand-chose ? N’y aurait-t-il pas rapidement de nouvelles relations entre l’Etat et les collectivités qui leur redonnent les moyens de répondre aux besoins de la population ?
De plus, c’est de coopération qu’ont besoin nos territoires. Alors que le gouvernement nous oblige à réduire nos dépenses, c’est au contraire cette fragilité des financements de la culture au plus haut niveau qui doit nous obliger à travailler ensemble, région, département, commune et surtout ne pas nous opposer les uns les autres.

Comment Stains, seule, peut faire face pour le Studio-Théâtre, privé par ailleurs des subventions d’état ? Pourtant cet équipement est indispensable par son rayonnement local et son impulsion culturelle.

Heureusement que la mobilisation de nombreux acteurs culturels, de la ville, de la direction du Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis, a permis de rétablir la subvention du Conseil général prévue de longue date et soudainement supprimée en janvier dernier sur les travaux de mise en sécurité et d’accessibilité. Je tiens à vous remercier ici pour être revenu sur votre décision.


Cela n’empêche que ce moratoire de 3 ans reste dramatique pour de nombreux autres projets partout sur le département :

·        La MC93 toujours en attente des subventions du Conseil général pour des travaux devenus indispensables

·        La situation des cinémas d’art et d’essai du département, réseau ô combien riche de par sa diversité de diffusion, de soutien à tous les cinémas et de lieu de débat. Si nous nous félicitons, du soutien apporté au Trianon de Romainville, quid du Mélies à Montreuil et de Louis Daquin au Blanc-Mesnil ? Aujourd’hui, le chantier du cinéma Daquin est engagé en cœur de ville et nous n’avons toujours pas de réponse alors que ce projet répond très précisément aux critères d’attribution. Sera-t-il également victime du moratoire ?

·        Je ne reviendrai pas sur la fin des aides aux investissements pour les médiathèques, lieux  tellement symboliques de la culture pour tous.


Vous voyez bien, chers collègues, à travers seulement quelques exemples, que ce moratoire de 3 ans n’est pas tenable. C’est la vitalité culturelle du département qui est en jeu. Ce sont les villes qui sont abandonnées, alors qu’elles ne peuvent faire face seules. Le recul des inégalités territoriales est un des enjeux de notre société, notre département en a toujours été un des acteurs. Ce choix de ne plus soutenir toutes les communes en est d’autant plus dramatique.


Je finirai sur la fin de la sanctuarisation des aides aux acteurs culturels qui n’aura duré qu’un an.

Une liste des baisses importantes des subventions est à elle seule tellement parlante, et sûrement non exhaustive :

·        Citoyenneté jeunesse : moins 50 000 euros

·        Fondation 93: moins 40 000 euros

·        Festival de Saint-Denis: - 20 000euros

·        Rencontres chorégraphiques de la Seine-Saint-Denis: - 20 000euros

·        Banlieues Bleues : - 20 000€

·        Mc 93 (Bobigny) : la variation annuelle de 42 000euros de la TOM ne sera pas versée.

·        Centre Dramatique de la Courneuve : - 20 000 euros

·        Compagnie du Mystère Bouffe au Pré-St-Gervais: arrêt total de toute subvention.

·        Picol’off à Saint-Ouen : - 7500 euros

·        Album petite enfance et éveil culturel dans les crèches et les PMI : -95 000 €


Non décidément, Monsieur le Président, nous ne pouvons que dénoncer ce recul historique de nos financements pour la culture.

Oui, ce sont les choix gouvernementaux qui nous plongent dans de telles difficultés budgétaires. Oui, avec le milliard d’euros que l’Etat nous doit depuis 2004, nous n’aurions pas besoin de discuter de ces coupes, nous pourrions même développer les services publics départementaux, les politiques culturelles si indispensables pour porter d’autres visions et de construire un monde qui place l’humain en son centre.

Alors oui, je rejoins mes collègues du groupe Front de Gauche pour porter un vrai budget de combat, ensemble, avec les habitants.

N’est-ce pas cela que l’on attend d’une vraie gauche de combat, au moment où un vrai choix de société s’ouvre à tous ?  


Je vous remercie.

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